Le Rosaire |
I - Historique du Rosaire Bien que nous n'ayons pas de certitude à ce sujet, il est probable que les Ave Maria, dans leur forme primitive, - c'est-à-dire la salutation de l'Ange et celle d'Elisabeth- ont été récités assez tôt par les chrétiens. En 431, le concile d'Ephèse, réuni à la demande de l'empereur Théodose condamnait l'hérésie nestorienne. En effet, Nestorius, évêque de Constantinople, refusait à Marie le titre de mère de Dieu. Le concile décida que Jésus étant à la fois Dieu et homme, Marie pouvait donc légitimement être honorée au titre de Mère de Dieu et il ordonna qu'on invoquerait la Sainte Vierge sous cette glorieuse qualité par les paroles : "Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort." La forme actuelle de l'Ave Maria est donc utilisée depuis 431. Une coutume des premiers siècles voulait que les gens instruits et lettrés récitassent les psaumes bibliques et il semble que l'on ait étendu cette dévotion à l'ensemble des Chrétiens sous une forme simplifiée, en remplaçant les 150 psaumes de la Bible par 150 Ave Maria ; les premières paroles de l'Ave Maria étant d'origine angélique, cette prière fut connue sous le nom de Psautier Angélique. Les débuts du Rosaire comme arme spirituelle remontent au XII siècle, où il fut utilisé par Saint Dominique dans sa lutte contre l'hérésie des Albigeois. Au départ, la percée du christianisme s'est effectuée au détriment des anciennes croyances païennes et il est arrivé que certains mélangeassent quelque peu paganisme et christianisme. Lorsque ces personnes étaient instruites et influentes, on aboutissait parfois à des hérésies. Ainsi en fut-il de Manès, réformateur persan du III siècle, qui, n'acceptant pas la victoire du Christ sur la mort et le rachat des péchés du monde au soir du Vendredi Saint, persistait à voir l'univers comme un combat entre le Bien et le Mal, entre la Lumière et les Ténèbres, (d'où le nom de Manichéisme employé pour désigner des dichotomies sommaires). Manès pensait que les êtres humains ne sont que les apparences d'âmes déchues qui se réincarnent jusqu'à ce qu'elles aient connu l'union avec le Christ, union qui fait d'elles des êtres purs (pur se disant en grec katharos, ceux qui professaient cette croyance ont été connus sous le nom de Cathares). Cette hérésie a persisté du III au XI siècle dans le sud de l'Europe et notamment dans le Piémont. Les prêtres cathares menaient une vie rigoureuse et ascétique contrastant malheureusement avec certaines habitudes du clergé catholique d'alors et il s'en suivit parfois une confusion entre la valeur du clergé et celle de la foi, aussi l'hérésie cathare fit-elle de nombreux adeptes. Un colloque tenu en 1176 entre les Cathares et l'archevêque de Narbonne dans la ville d'Albi est probablement à l'origine du mot "Albigeois" utilisé depuis comme synonyme de Cathares. Même si la bonne volonté et l'honnêteté de beaucoup d'Albigeois ne faisaient pas de doute, il n'en demeure pas moins que le contenu de leur pensée dénaturait complètement le message des Evangiles, et l'Eglise d'alors luttait de toutes ses forces pour essayer d'enrayer cette hérésie. Les moyens employés étaient parfois belliqueux, comme la croisade, lancée en 1208 par le pape Innocent III, qui détruisit bon nombre d'Albigeois par l'épée, le feu ou la corde ; ils étaient parfois pacifiques, comme la prédication ou la prière : c'est le cas de Dominique Guzman, chanoine espagnol qui fondera l'ordre des Dominicains en 1215 et sera canonisé en 1224, 3 ans après sa mort. En 1214, alors qu'il cherchait dans le jeûne, la pénitence et la prière une manière de s'opposer efficacement aux Albigeois, il eut une apparition de la Vierge Marie qui lui dit : "Sache que la principale arme dont s'est servie la Sainte Trinité pour réformer le monde a été le Psautier Angélique qui est le fondement du Nouveau Testament ; c'est pourquoi, si tu veux gagner à Dieu ces curs endurcis, prêche mon Psautier". A partir de ce jour, Saint Dominique ne cessa de réciter et de prêcher ma méditation du Psautier Angélique. Il obtint de merveilleux résultats, fonda de nombreuses confréries de récitation de cette prière en plus de l'ordre des Dominicains et, finalement, l'hérésie cathare s'éteignit au XIV siècle. Puis, peu à peu, l'ardeur à la récitation du Psautier Angélique diminua, allant presque jusqu'à s'éteindre. En 1460, le bienheureux Alain de la Roche, Dominicain du couvent de Dinan, à la demande de Jésus et de Marie relança la dévotion sous le nom de "Psautier de Jésus et de la Sainte Vierge". Il expliquait que la récitation du Psautier tressait une couronne de roses autour de la tête de Jésus et de Marie et la piété populaire donna bientôt le nom de Rosaire à cette dévotion. Une version raccourcie du Rosaire vit le jour et on donna à cette prière le nom de Chapelet, dérivé du mot français du XI siècle "chapel" qui signifiait couronne de fleurs que l'on offrait aux personnages de distinction à titre de redevance.
II - Le Rosaire, la Sainte Vierge et l'Eglise Le Rosaire est-il agréable à la Sainte Vierge ? Nous avons la chance de posséder des réponses de Marie elle même à cette question. En effet, la Sainte Vierge, à de nombreuses reprises, nous a dit par l'intermédiaire de ses confidents tout le bien qu'elle pensait du Rosaire. Le bienheureux Alain de la Roche, dans son livre "De la Dignité du Psautier", nous rapporte les paroles prononcées par la Sainte Vierge : "Je ne tairai pas les signes et les prodiges que par les moyens du saint Rosaire j'ai accomplis en diverses contrées : les pestes générales que j'ai arrêtées, les horribles guerres que j'ai apaisées, les flots de sang que j'ai empêché de couler et enfin tous les maux que j'ai fait fuir. Les Anges se réjouissaient de vos Rosaires, la Sainte Trinité s'y complaisait, mon Fils y prenait sa joie et Moi j'y trouvais un bonheur au-dessus de tout ce que vous pouvez imaginer. De tout ce qui se fait dans l'Eglise, le Rosaire est pour moi ce qu'il y a de plus agréable après la Sainte Messe." (1) A sainte Gertrude aussi, Marie a confié son amour pour le Rosaire : "Jamais homme n'a fait quelque chose de plus beau que l'Ave Maria. On ne peut me saluer d'une façon plus douce à mon cur que par ces paroles pleines de respect par lesquelles Dieu le Père m'a saluée lui-même." (2) Plus proche de nous, en 1917, à Fatima,
Notre-Dame a demandé aux petits voyants, à chacune de ses apparitions, de réciter le
chapelet ; voici quelques unes de ces demandes : Saint Pie V, au XVI siècle, alors que le développement ottoman menaçait la chrétienté, ordonna que toutes les communautés chrétiennes récitassent le Rosaire le 7 octobre 1571, jour où la flotte chrétienne affrontait la flotte musulmane à Lépante. C'est en souvenir de la victoire de Lépante que tous les 7 octobre l'Eglise célèbre Notre-Dame du Rosaire comme la très Sainte Mère de Dieu unie à tous les mystères de notre salut, comme la Reine et la médiatrice dont l'intervention est toute puissante. Pie IX : "Parmi les dévotions approuvées par l'Eglise, aucune n'a été favorisée d'autant de miracles que la dévotion au très Saint Rosaire." Léon XIII a consacré 15 encycliques à la nécessité de la méditation du Rosaire. Saint Pie X : "Si vous voulez que la paix règne dans votre foyer, récitez chaque soir le chapelet en famille." Pie XII : "Il n'y a pas de plus sûr moyen d'attirer les bénédictions du Ciel sur la famille que la récitation quotidienne du Rosaire." Jean-Paul II, lors de son voyage à Fatima, a, lui aussi, beaucoup insisté sur la nécessité de la récitation du chapelet.
III - Contenu du Rosaire
La forme actuelle du Rosaire a été fixée au XVI siècle par le pape Saint Pie V. Il se compose de deux paries : la prière mentale et la prière vocale. A - La prière mentale C'est la méditation des quinze mystères de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ et de sa très Sainte Mère. Chaque mystère médité met en relief une des quinze vertus principales que Jésus et Marie ont pratiquées sur la terre. Chaque mystère a un fruit particulier que l'on doit s'efforcer de cueillir lors de la méditation : par exemple, le fruit du mystère de l'Annonciation est l'humilité, celui du mystère de la Visitation est l'amour du prochain, etc. Dans son livre "Le secret du Rosaire", Saint Louis-Marie Grignion de Monfort écrit : "Saint Grégoire de Nysse dit gracieusement que nos sommes des peintres. Notre âme est la toile d'attente sur laquelle nous devons appliquer le pinceau, les vertus sont les couleurs qui doivent relever son éclat, et l'original que nous devons copier, c'est Jésus-Christ, l'image vivante qui représente parfaitement le Père éternel. Comme donc un peintre, pour tirer un portrait au naturel, se met devant les yeux l'original, et qu'à chaque coup de pinceau qu'il donne, il regarde, de même de chrétien doit toujours avoir devant les yeux la vie et les vertus de Jésus-Christ, pour ne rien dire, ne rien penser, ne rien faire qui n'y soit conforme." C'est pour nous aider dans l'important ouvrage de notre prédestination, que la Sainte Vierge a ordonné à Saint Dominique d'exposer aux fidèles qui récitent le Rosaire les mystères sacrés de la vie de Jésus-Christ, non seulement afin qu'ils l'adorent et le glorifient, mais principalement afin qu'ils règlent leur vie et leurs actions sur ses vertus. Or, comme les enfants imitent les parents en les voyant et en conversant avec eux, qu'ils apprennent leur langage en les entendant parler, comme un apprenti, en voyant travailler son maître apprend son art, de même les fidèles confrères du Rosaire, en considérant sérieusement et dévotement les vertus de Jésus-Christ, dans les quinze mystères de sa vie, deviennent semblables à ce divin maître, avec le secours de sa grâce et par l'intercession de la Sainte Vierge." (4) Rapprochons ces paroles de celles de l'évangéliste Saint Luc qui nous dit : "Marie conservait toutes ces choses et les méditait dans son cur", en parlant des petits événements de la vie de tous les jours de Jésus enfant. B - La prière vocale Ce sont les paroles récitées oralement ; elles correspondent à quatre prières : le Credo, le Pater, l'Ave Maria, le Gloria.
IV - Origine des prières composant le Rosaire
A - Origine du Credo Au cours des premiers siècles, les chrétiens étaient déjà fréquemment persécutés et, pour se protéger des inconnus, ils convinrent d'un signe de reconnaissance, d'une sorte de mot de passe sous la forme d'un bref résumé de l'essentiel de la Foi ; ce résumé n'était transmis qu'oralement aux autres baptisés, les catéchumènes ne l'apprenant que dans les jours précédant leur baptême ; avant le V siècle, on ne récitait pas le Credo au cours des offices. Et ce signe, ce mot-de-passe, qui devenait donc un symbole des baptisés, fut appelé "Symbole des Apôtres" car son contenu avait été enseigné directement par les apôtres. En 325 et 381, pour combattre les hérésies arienne et macédonienne, le symbole des Apôtres sera complété et deviendra le Credo. B - Origine du Pater Comme Jésus était en prière en quelque endroit, quand il eut fini, un de ses disciples lui dit : "Seigneur, apprends nous à prier, comme Jean l'a appris à ses disciples." Il leur dit : "Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, donne-nous chaque jour notre pain quotidien, remets-nous nos péchés car nous-mêmes remettons à quiconque nous doit, et ne nous laisse pas entrer en tentation." (Luc, XI, 1-4) C - Origine de l'Ave Maria Saint Luc est le seul évangéliste à nous rapporter l'enfance de Jésus ; écoutons son récit de l'Annonciation : "Or, au sixième mois, l'Ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, Nazareth, à une vierge fiancée à un homme appelé Joseph, de la maison de David ; le nom de la vierge était Marie. Et étant venu près d'elle, l'Ange dit : "Je vous salue, pleine de grâces ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes." (Luc, I, 26-28) Un peu plus loin, Saint Luc nous rapporte la Visitation : "En ces jours là, Marie, se levant, partit sans retard dans la montagne, pour une ville de Juda ; elle entra dans la demeure de Zacharie et salua Elisabeth. Or, il advint qu'Elisabeth ayant entendu la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein ; et Elisabeth fut remplie de l'Esprit-Saint ; elle s'exclama et, d'une voix forte, dit :"Vous êtes bénie entre les femmes et le fruit de votre sein est béni." (Luc, I, 39-42) D - Origine du Gloria Patri Cette petite invocation a été introduite dans le Rosaire à une date mal déterminée, assez tardivement semble-t-il, et on pense que ce pourrait bien être Saint Louis-Marie Grignion de Monfort lui-même qui l'ait ajoutée, peut-être pour répondre à une objection faite au Rosaire, dévotion à Marie, était une impiété ; l'adjonction du Gloria montrait que la louange faite à Marie dans le Rosaire était en réalité adressée, à travers elle, au Dieu trinitaire.
V - Récitation du Rosaire
Le Rosaire est donc composé de la récitation
d'un Credo, car il est indispensable d'affirmer très clairement dès le début notre foi
en Dieu, d'une oraison à la gloire de la très Sainte Trinité sous la forme d'un Pater,
de trois Ave Maria, et d'un Gloria. Il est difficile à notre esprit humain de se
fixer sur deux choses en même temps, aussi peut-on se demander comment méditer les
mystères du Rosaire tout en faisant attention aux paroles que l'on récite et, par voie
de conséquence, s'il est vraiment nécessaire de réciter les Ave tout en méditant les
mystères. Deux attitudes sont également admissibles : D'ailleurs, Marie elle-même a dit au bienheureux Alain de la Roche : "C'est une prière très utile, c'est un sacrifice qui m'est fort agréable, que de réciter 150 Salutations Angéliques. Il me l'est encore davantage, et ceux-là feront encore beaucoup mieux, qui réciteront la Salutation avec la méditation de la vie, de la passion et de la gloire de Jésus-Christ, car cette méditation est l'âme de ces oraisons."
VI - Bibliographie sommaire
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